Ils étaient vingt sept, jeunes ou moins jeunes, dont la voix s’est éteinte dans la longue tourmente de la première guerre mondiale.

Unis dans un même élan, les habitants du village se sont mobilisés afin que le voile de l’oubli ne retombe jamais. Ils ont élevé un monument au cimetière sur lequel leurs noms ont été gravés : 

Marcel René AUBERT, Charles Auguste BARON, Faustin Charles BARRE, Emile Joseph BENOIT, Paul Frédéric BERRIER, Alphonse Julien BOUDINOT, Charles Albert BOURCIER, Paul Henri CAILLEAUX, Martin Pierre Auguste CAUTY, Ernest Joseph GUILLERDIER, Victor Eugène DUPORT, Antoine Eugène GALAYRAND, Georges GERVAISEAU, Théodule Louis GESLIN, Jean Henri GIRARD, Alphonse Vincent GIRAULT, Auguste Jules LEPAULT, Arsène Léon MANTIENNE, René Paul MARCHAND, Charles Henri MAURY, Paulin Eugène Eloi MAZURE, Georges François PREVOTEAU, Gaston Virgile RAVARY, Hubert David ROUSSIN, Valentin Barnabé ROUSSIN, Ernest Joseph SEVIN, Emile Pierre Marie THOMASSIN

Certains reposent ici, d’autres ailleurs, leurs noms sont inscrits ici, ou ailleurs…

Un dimanche d’automne, ils se sont réunis pour inaugurer ce monument et le transmettre aux générations futures.

C’était le 16 octobre 1921

Les pertes humaines de ce conflit furent effroyables : selon les documents officiels rassemblés par un député en janvier 1921, ce furent au total plus de 8 800 000 vies humaines disparues sur les champs de bataille, dont 1 383 000 pour la France.

Dans chaque ville, village, dans toute l’étendue du pays, les « survivants » ont besoin d’un symbole fort, d’un lieu pour se rassembler ou prier, pour enseigner aux enfants ce que fut cette guerre et affirmer le « jamais plus ». L’Etat accompagne ce mouvement en accordant une subvention basée sur la population, le nombre de victimes et les taux d’imposition des communes.

Il est également autorisé de recourir à des souscriptions publiques, d’organiser diverses manifestations destinées à recevoir des dons ou à collecter des fonds.

Dès 1919, la commune des Molières envisage l’édification d’un monument au cimetière. En janvier 1920, un plan de financement est soumis à la Préfecture de Seine et Oise (le département de l’Essonne ne sera créé qu’en 1964). Le montant total estimé est de 4 740 francs, ce qui correspond, en contre-valeur actuelle à une somme de d’environ à 541000 € .

Le montant des souscriptions recueillies est de 2 270 francs, soit près de 48 % de la valeur totale.

Sur une population totale de 475 molièrois au recensement de 1921, cela équivaut à une moyenne de 545 euros par habitant, toutes tranches d’âge confondues.

La liste des donateurs n’a malheureusement pas été conservée dans les archives municipales.

La subvention de l’État est 338 francs.

Le conseil municipal, pour sa part, approuve la dépense complémentaire sur le budget additionnel de 1920 et le budget primitif de 1921.

Le monument est réalisé par Monsieur LEGRAND, marbrier à Limours.

Il est en forme d’obélisque sur piédestal et socle, surmonté d’une corniche et dédié « A la mémoire des enfants du pays morts au champ d’honneur » (à cette époque, le terme « pays » signifie plus particulièrement le village, la terre où l’on vit)

Les familles ont le choix d’accepter ou de refuser l’inscription de leur défunt sur le monument.

Voici comment « Le progrès de Rambouillet » rend compte de l’événement dans son édition du 22 octobre 1921 :

«  Dimanche 16 octobre, eut lieu, aux Molières, la cérémonie [d’inauguration] du Monument aux Morts, sous la présidence de M Bodereau, sous-préfet. Le cortège réuni à la Mairie, se déroula jusqu’au cimetière.

En tête les Sapeurs Pompiers, la Société de Secours Mutuels, les Enfants des Ecoles, les autorités et les familles.

M Fauquet, le dévoué instituteur, fit l’appel des soldats victimes de la guerre ; à chaque nom il était répondu : Mort au Champ d’honneur.

M Barré, le sympathique maire, qui, lui aussi, a perdu son fils aîné à la guerre, fit entendre, en termes délicats et touchants, l’éloge de ceux qui ne sont plus.

Puis les enfants des écoles chantèrent quelques strophes.

Au nom des Anciens Combattants du canton de Limours, le Dr Testut, prononça quelques paroles de souvenir et d’espoir. Au nom de la section socialiste des Molières, M Tirand, adressa aux disparus les sentiments de détresse poignante que la guerre a exaltés ; puis M François, conseiller d’arrondissement, fit entendre quelques paroles et M Malherbe, conseiller général du canton de Chevreuse, prononça un discours demandant à tous de faire l’union dans la paix.

M Bodereau, sous-préfet en quelques phrases émues, acheva la série des discours. Les Enfants reprirent leurs chants glorieux et jetèrent une deuxième fois leur note pure aux accents harmonieux.

Un vin d’honneur fut servi à la Mairie.

Furent remarqués : Mmes Thome, Bodereau, Malherbe, le Conseil municipal, M Berrier, adjoint, M Gerber, juge de Paix de Limours, le Maire de Chevreuse, M Marcoux, maire de Boullay, M Pescheux, maire de Gometz la Ville, une foule nombreuse et recueillie composée de ceux qui sentent véritablement la douleur, et la peine des familles de nos glorieux disparus. »

Plus tard, malheureusement, il a fallu ajouter d’autres noms sur le monument.

Mémoire au Village